Depuis l’après-guerre de 39-45, le choix a été fait d’une agriculture productiviste, intensive, spécialisée. Les gaz de combat chlorés ont été recyclés par leurs fabricants sous forme de pesticides. Les engrais chimiques ont suivi de près. L’histoire des pesticides est détaillée dans le remarquable ouvrage de François Veillerette et Fabrice Nicolino : « pesticides, révélations sur un scandale français »
Parmi les pesticides, destinés à tuer des organismes vivants indésirables en agriculture, on distingue les herbicides, les fongicides, les insecticides, des agents de croissance. Les biocides, utilisés dans les traitements du bois, du cuir, comme rodenticides (anti rats) ou comme désinfectants, peuvent être tout aussi toxiques pour l’homme que les pesticides d’usage agricole.
En raison de leurs nombreux effets délétères, les pesticides organo-chlorés ont peu à peu été retirés du marché, les derniers dans les années 2000. Mais leur persistance dans l’environnement et leur capacité d’accumulation dans les organismes vivants nous expose encore à leurs effets nocifs. C’est le cas entre autres du DDT ou de son dérivé le DDE qui, bien qu’interdits en France depuis le début des années 70, sont responsables, en raison de leurs effets perturbateurs endocriniens, de troubles du développement sexuel de nourrissons : micropénis, abouchement anormal de l’urètre, ou absence de descente du testicule.
Très peu ont été évalués quant à leurs effets sur la santé et l’environnement, et quand ils l’ont été comme pour certains organochlorés, ils ont dû être retirés. C’est le cas pour le Mirex, cancérogène possible pour l’homme retiré en 1990, pour le chlordécone responsable de troubles neurologiques, de la fertilité et cancérogène probable, retiré en 1990 mais ayant bénéficié de dérogations jusqu’en 1993 et probablement utilisé clandestinement jusqu’en 2000 ; du Lindane, neurotoxique et cancérogène, retiré en 1998 de l’agriculture mais utilisé pendant encore des années pour le traitement des poux.
Mais retrait du marché ne veut pas dire disparition de l’environnement. Ainsi l’Atrazine, un herbicide retiré en 2003, est toujours présent dans la plupart des ressources en eau.
Pour la Direction Générale de la Santé et des Consommateurs (UE), en 2005, 50% des fruits et légumes contenaient des résidus de pesticides, 6,5 à 8% dépassaient la Limite Maximale de Résidus (LMR). 24% contenaient plusieurs résidus. Ces dépassements de la Limite Maximale de Résidus sont possibles même en respectant les « bonnes » pratiques agricoles.
Les contrôles de la DGCCRF observent un dépassement des LMR pour plus de 50% des poivrons espagnols, ainsi que pour les fraises, tomates, salades (24% de non conformité), et cela s’aggrave d’année en année. Pour les poivrons, les LMR pour la toxicité aigüe chez les enfants sont souvent dépassées.
Les pesticides augmentent le risque de cancer
Les femmes qui travaillent en serre ont un risque augmenté de cancer du sein.
Les enfants de parents exposés aux pesticides font plus de tumeurs cérébrales, de leucémies, de Lymphomes Non Hodgkiniens (LNH).
L’utilisation de traitement anti-poux à base de Lindane, encore autorisée après que cet insecticide ait été interdit en agriculture, augmente le risque de leucémie et de tumeur cérébrale chez les enfants.
L’exposition d’une femme enceinte à des insecticides ménagers multiplie par 2 le risque de leucémie aigue chez son enfant.
Les pesticides altèrent l’immunité
Des pesticides sont immunosuppresseurs ou entrainent une réponse auto-immune : Thyroïdite, Lupus, Myasthénie, Diabète, Polyarthrite rhumatoïde, Péri artérite noueuse, Sclérose en plaques…
Les pesticides sont reprotoxiques et peuvent rendre stérile
Une étude Canadienne montre l’augmentation du risque de naissances prématurées et de fausses couches chez les utilisatrices de Round-Up.
Une femme ayant préparé ou utilisé des herbicides a un risque d’infertilité x 27.
En 1977 il a été découvert un taux anomal de stérilité chez les ouvriers fabricant le chlordécone, utilisé dans les plantations de bananes. Le nombre de cancers de la prostate est très augmenté chez les ouvriers ayant utilisé le chlordécone.
De nombreuses études font le lien entre baisse de fertilité, sperme de moins bonne qualité et exposition aux pesticides à partir des métabolites urinaires. La quantité de spermatozoïdes a diminué de 50% entre 1938 et 1990. Beaucoup de pesticides sont des Perturbateurs Endocriniens qui altèrent la reproduction des visons, goélands, cormorans, ours, phoques, dauphins, pumas et donc…des humains qui sont aussi en fin de chaîne alimentaire.
L’exposition aux pesticides multiplie par 4 le risque de malformation sexuelle : micropénis, cryptorchidie et hypospadias. Ces anomalies ont doublé entre 1985 et 2000 en Grande Bretagne, Hongrie, Danemark. Or beaucoup de pesticides sont oestrogéno-mimétiques et antiandrogènes ; ils peuvent aussi entraîner des changements de comportement sexuel.
Charles Sultan, récompensé fin 2011 pour ses travaux par un prix prestigieux, trouve un taux anormalement élevé de ces malformations chez les enfants de viticulteurs.
Une étude de mars 2011 dans la revue Environmental Health Perspectives vient de rajouter 9 pesticides à la liste de ceux ayant des effets anti-androgènes, dont 8 encore utilisés en France et en Europe. Les scientifiques insistent sur le cas des fongicides employés en mélange avant la récolte, qui exposent de façon considérable les consommateurs à ces anti androgènes.
Il y a un lien entre la cryptorchidie et les quantités de pesticides utilisées sur la commune ou par l’activité de jardinage des mères. La cryptorchidie est un facteur de risque de cancer du testicule, dont le nombre a été multiplié par 3 entre 1940 et 1980.
Les pesticides altèrent le système nerveux et son développement
L’exposition professionnelle multiplie par 2,3 le risque d’Alzheimer et par 5,6 le risque de maladie de Parkinson ; l’exposition non professionnelle augmente le risque de Parkinson de 70%.
Des pesticides tels que le chlorpyrifos ou l’hexachlorobenzène (un des « 12 salopards » POPs de la convention de Stockholm de 2000 interdit depuis 88 mais sous-produit d’incinération) sont délétères sur le développement du cerveau embryonnaire.
D’après les Centers for Disease Control, les troubles autistiques affecteraient presque 1% des enfants et la revue Pediatrics du 6 avril 2010 souligne que les preuves s’accumulent sur le lien entre autisme et expositions chimiques prénatales. Les causes génétiques n’expliqueraient pas plus de 25% des cas.
En 2006, Grandjean et coll retrouve une corrélation entre les taux urinaires de pesticides organophosphorés de femmes enceintes et l’altération des performances cognitives et graphiques (dextérité) de leurs enfants une fois scolarisés.
L’exposition prénatale aux pesticides diminuerait l’intelligence. Les enfants qui, lorsqu’ils étaient dans le ventre de leur mère, ont été exposés à des pesticides, risquent d’avoir un quotient intellectuel nettement inférieur aux autres vers l’âge de sept ans, selon trois études distinctes dont une de l’Université de Berkeley en Californie et une autre du Mount Sinaï Medical Center publiées en avril 2011.
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